La pensée du
Crabe (Octobre 2000) Ce que le Crabe pense dans son trou-jardin, traduit par Claudia Ticani. |
Lire de la guerre de Troie comme si c'était une
chronique de nos jours, écouter le récit de la bouche des
protagonistes, les voir agir dans un contexte historique rapproché,
moderne, réalistique, compréhensible dans les motivations:
tout ceci peut se trouver en lisant Il canto di Troia di Colleem
McCullogh.. Chaque chapitre est raconté par un des protagonistes ou
par des personnages impliqués plus ou moins directement: Priame commence,
Pélée, le père d'Achille, suit, puis le centaure Chiron
qui, selon les sources, aurait instruit Achille et Aiax Télamone.
Et puis, au fur et à mesure, Hélène, Pâris, Hector,
Agamemnon, Ulysse, Diomède, Patrocle, Briséide, Enée,
Nestor, Automédonte, laurige d'Achille, et Néottolème,
le fils d'Achille parlent des événements et de leurs
expériences, sentiments et impressions. Chaque personnage, en parlant
de soi, sort de latmosphère légendaire dans laquelle
le voyait, pour ainsi dire, le père aveugle de tous les poètes.
Et en dissipant le brouillard de sa propre personnalité il ajoute
une pièce au mosaique concret de l'événement qui, sur
les bancs d'école, nous apparaissait telllement vague, irréel
et lointain. Disons-le clairement: même à l'école je
n'ai jamais cru plausible la volonté de reprendre Hélène,
enlevée par Pâris, comme justification de cette guerre. Depuis
l'âge de raison - je ne saurais dire quand il a commencé exactement
- j'ai toujours soupçonné qu'il y avait un motif bien plus
grave: un motif d'économie e de pouvoir. Et ceci semble être,
selon lauteur, la vraie poussée qui amena une coalition de rois
de poleis grecques à raser au sol une ville fortifiée de
lAsie Mineure érigée à la défense du
détroit des Dardanelles, voie de mer importante pour les transactions
commerciales avec lOrient. En neuf ans les Achéens ne
réussirent pas à s'emparer de Troie, mais ils réussirent
à abattre d'autres villes de la côte turque et à commencer
une colonisation intensive. Seulement au cours de la dixième année
les astuces d'Ulysse - le vrai auteur de la victoire - ont permis au
mycénéen Agamemnon, roi des rois (mais primus inter pares),
de saccager Troie. Ceci est le suc de l'histoire, pas trop différent
du motif banal qui pousse - encore aujourd'hui malheureusement - toutes les
guerre humaines. Mais dans le livre deux ou trois autres thèmes
intéressants apparaissent. Le sac de Troie par les Achéens
- qui ne fut pas le seul, comme démontrent les diverses enceintes
de murailles retrouvées par Schliemann - advient, semble-t-il, aux
alentours de l'an 1184 av. J.C. Nous sommes donc au comble de l'âge
du bronze. Si les Grecs avaient su que d'ici peu le fer aurait été
découvert, sans doute ne se seraient-ils pas préoccupés
de pénétrer dans le Bosphore pour s'ouvrir la voie vers les
mines d'étain, minéral indispensable pour avoir le bronze.
Et nous sommes aussi dans une époque de grande ébullition
culturelle, malheureusement pas documentée par des écrits car
en Grèce il n'y a pas encore de vraie écriture. Nous sommes
dans une époque où l'on passe d'une vieille religion basée
sur le culte de dieux obscurs du sous-sol, des abîmes et des enfers
à une nouvelle qui parle de dieux célestes et lumineux. La
vieille religion oriente les peurs et les superstitions vers le mystère
de l'accouchement et favorise le matriarcat et donc un certain excès
de pouvoir féminin. La nouvelle religion facilite le passage vers
le patriarcat et l'excès de pouvoir masculin. Dans la vieille religion
on pratique des sacrifices humains et les victimes sont surtout des
garçons. Mais dans les récits de la guerre di Troie nous trouvons
le sacrifice d'Iphigénie qui a en soi un peu de lune et un peu
de lautre religion. La guerre de Troie, donc, ne fut pas causée
par le rapt d'Hélène, mais par le besoin des Grecs d'accéder
aux mines d'étain à des prix acceptables (c'est comme la guerre
du Golfe!). Et la colère d'Achille ne commence pas par la stupide
et arrogante décision du roi des rois de ravir l'esclave Briséide
des mains du roi des Mirmidons et de la tenir pour soi. Au contraire, la
thèse de lauteur est totalement diverse. Achille était
amoureux d'Iphigénie et en fut, sans doute, lamant pour une
nuit, avant le sacrifice. Achille était un jeune prince attaché
désespérément à la vie. Il voulait une vie forte,
intense, riche d'émotions et de gloire, en échange de
léternité qu'il n'avait pas obtenu à sa naissance,
quand Pélée lavait enlevé des mains de sa mère
Téti, qui voulait le tuer comme tous ses fils précédents
pour le faire passer directement à la vie éternelle. Briséide
lui rappelait Iphigénie et entre eux deux nacquit certainement une
forte passion s'il est vrai que la jeune fille se tua en se poignardant
près du bûcher d'Achille. Mais Achille aima aussi très
fort Patrocle, sans doute en fut-il l'amant, dans un contexte civil dans
lequel les rapports homosexuels n'étaient pas aussi scandaleux. Savez-vous
ce que Achille signifie? Sans lèvres. C'était presque
un monstre marin, comme sa mère Téti. Cependant il était
d'une beauté débordante qui faisait tomber amoureuses toutes
les femmes autour de lui. Téti même ne devait pas être
si épouvantable si Pélée en tomba amoureux. C'était,
cependant, une sorcière perverse, une divinité obscure et
repoussante, qui de temps en temps apparaissait à Achille et le faisait
souffrir, lui causant des symptômes d'épilepsie, pour lui faire
éprouver combien était douloureux le moment du trépas
et le convaincre ainsi à renoncer à son choix d'une vie brève
et glorieuse au lieu d'une vie longue et pacifique. Un autre couple fameux,
sans doute homosexuel, furent Ulysse et Diomède, compagnons d'aventures
et d'astuces. A dire vrai le génie était Ulysse. Diomède
n'était qu'un admirateur, quoique brave guerrier et stratège.
Ulysse recueillit tous les mécontents et les contestateurs de
l'armée et en fit un groupe spécial d'espions qui, de nuit,
entraient à Troie travestis, en passant par les égoûts,
et, se mélangeant aux habitants, pouvaient connaître les intentions
et les mouvements de l'ennemi. Et à Ulysse, très astucieux
héros protégé par Pallade Athéna, lauteur
attribue beaucoup plus que la seule idée du cheval: tout ce que les
descendants ont cru, de la revendication d'Hélène, à
la colère d'Achille, à la querelle entre Achille et Agamemnon,
à la peste suscitée par Apollon parmi les rangs des Grecs,
ne serait qu'une invention d'Ulysse, une mise en scène inventée
pour convaincre les Troyens de profiter de la faiblesse des ennemis et sortir
en champs ouvert dans la certitude de pouvoir rejeter à la mer la
flotte des envahisseurs. Seulement en champs ouvert en effet, sur les rives
du Scamandre et du Simoenta, les Troyens pouvaient être battus car
les murs de Troie étaient inexpugnables. Et lidée du
cheval de bois ne fut que le couronnement de dix ans d' intense activité
stratégique. Dit ainsi, il peut sembler que les autres rois n'aient
pas beaucoup de mérites, par rapport à Ulysse. Mais
évidemment dans les batailles la force brute de tous les combattants
servait et aussi la solidarité parmi les habitants de tant de poleis
qui depuis lors commencèrent à démontrer d'être
une vraie nation. On met aussi en évidence le style de commandement
du roi Agamemnon, auquel va le mérite d'avoir facilité le travail
d'Ulysse et d'avoir toujours promu la discussion entre les différents
rois avant de décider. Par contre le vieux Priame est un autocrate
à lancienne qui n'admet aucune interférence et discussion
même de la part de ses fils estimés, parmi lesquels il y a
Pâris et Hector. Enfin la thèse de lauteur semble être
que la victoire alla à la force croissante d'une civilisation plus
intelligente, au génie grec qui avait en lui la force de la logique
et de la discussion passionnée et qui quelques siècles plus
tard aurait inventé la Démocratie.
mic.dang@tiscalinet.it mic.dang@libero.it
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